jeudi 6 mars 2008

Merseyside Trip

En direct de Canterbury Hall : bien le bonsoir ! Vous aurez – ou pas – remarqué que j'ai un peu ralenti le rythme effréné de mes publications de message sur ce blog, j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur. No comment. Au programme ce soir, un des points culminants de l'année Erasmus à Londres, si ce n'est de ma vie d'étudiant. Un des points culminants, que dis-je?, c'est l'Everest de l'intensité dramatique sur ce blog, au moins. Bref, je parle de foot. Je vous avais donc dit il y a quelques semaines que j'avais obtenu une place pour un match de Liverpool « début mars ». Pour être plus exact, c'était le 5 mars, soit hier, et j'entreprends donc dès aujourd'hui de vous faire part de mes aventures liverpuldiennes.

Le précieux sésame : le ticket d'entrée pour Anfield Road


Ça commence de façon un peu rude : 6 heures de car depuis la Victoria Coach Station de Londres pour arriver sur place – parce que Liverpool, c'est loin, mais alors très loin au nord, à l'embouchure du fleuve Mersey. Sur notre route vers Anfield Road (l'enceinte des Reds du Liverpool FC, et ma destination finale), nous passons devant deux autres stades majeurs, à savoir le nouveau Wembley (banlieue de Londres), et, plus surprenant, le Villa Park (Birmingham). Autre remarque constructive : le car que j'emprunte est à moitié rempli de gens en maillot rouge, comme moi. À l'arrivée, petit cafouillage : je me retrouve débarqué à Birkenhead Coach Station alors que sur mon ticket il y avait marqué que je m'arrêtais à Edge Lane Coach Stop. Bref, ça reste Liverpool, donc je demande quel bus prendre pour le quartier d'Anfield Road, et je me retrouve là-bas en moins de deux livres. Il est 16h30, le coup d'envoi est à 20h00, j'ai donc comme qui dirait du temps à tuer.


La tribune historique du Kop, vue de l'extérieur


Après moult tergiversations, je me balade un peu dans les alentours du stade pour me repérer plus facilement à la fin du match. Le quartier n'est pas ultra gai, essentiellement des pavillons résidentiels et quelques pubs. Je passe également par la boutique officielle du stade pour m'acheter une écharpe du club (ce qui, vous le verrez, ne fut pas seulement anecdotique). Ayant fini mon repérage des environs, je me pose dans l'un d'entre eux pour attendre l'ouverture de l'enceinte. Ce pub est assez clairement une annexe du stade lui-même, comme en témoigne la multitude de drapeaux du Liverpool FC sur la façade, évidemment le nombre considérables de fans Reds désœuvrés à l'intérieur, et même un poster humoristique égratinant au passage le grand rival du LFC, l'autre club de Liverpool : les Toffees d'Everton, dont le stade est situé à 250m à vol d'oiseau de celui d'Anfield. Les 'Merseyside derbies' (rencontres Liverpool FC-Everton) sont réputées pour leur intensité. À 19h, je me dis que j'ai déjà assez traîné dans le pub, et décide donc de passer aux choses sérieuses, en pénétrant dans l'enceinte mythique (pour ceux qui connaissent, certes) d'Anfield Road.

Pour l'anecdote, les portes et tourniquets d'entrée du stade : faut pas être gros...


Je vous épargne une description exhaustive de l'heure qui s'écoule d'ici au coup d'envoi, entre échauffements des joueurs et remplissage progressif du stade. À 19h55, les joueurs de Liverpool et de son adversaire du jour, soit West Ham, rentrent sur la pelouse. C'est l'occasion d'une tradition légendaire sur les bords de la Mersey : le public entonne en cœur l'hymne du club, le fameux You'll Never Walk Alone. Difficile de décrire l'impact émotionnel d'une telle scène pour moi, et pour un fan de Liverpool en général, à qui cet hymne d'encouragement rappelle nécessairement tout plein de souvenirs. Je vous épargne le contenu détaillé du match, qui s'achèvera sur le score de 4-0 en faveur des locaux, avec un triplé du phénomène espagnol Fernando Torres et un but sur frappe lointaine du capitaine légendaire de Liverpool, Steven Gerrard, formé au club.

Les deux joueurs Reds sur la partie gauche du terrain sont Torres (le numéro 9) et Gerrard, plus haut


Ce qui m'a particulièrement frappé pendant ce match, c'est que j'ai pu vérifier à quel point Anfield Road est différent de ce que j'ai pu voir des stades de foot français, notamment du Parc des Princes à Paris. D'abord, pour une question architecturale : si Anfield comme le Parc ont une capacité d'environ 40 000 personnes (ce qui est faible pour un club de standing européen), la différence se situe au niveau de l'organisation de l'espace. À Anfield, et dans les stades anglais en général, il n'y a aucune séparation entre le public et la pelouse. Les supporters font office de ramasseurs de balle si celle-ci sort des limites du terrain, et quand un joueur prend un mètre d'élan pour effectuer une touche, les supporters du premier rang peuvent lui taper sur l'épaule. Ce qui change aussi radicalement, c'est l'attitude, car le public fait véritablement corps avec son équipe : aucune invective entendue en 90 minutes à l'encontre de joueurs Reds pourtant parfois maladroits. Les adversaires sont aussi plus que respectés dès lors qu'ils ne font pas de provocation : le gardien de West Ham a été applaudi avec fair-play par la tribune des 'ultras', le Kop, au changement de côté à la mi-temps.

La tribune du Kop vue de l'intérieur, derrière la cage de but

Plus surprenant, le public participe presque au jeu, un peu comme pourrait le faire un entraîneur depuis son banc de touche : si un adversaire fond par derrière sur un joueur local en possession du ballon, c'est tout un stade qui lance « Watch out! » (« Attention ! ») pour prévenir le joueur de Liverpool d'un danger imminent (j'ai moi-même du mal à y croire, mais je vous assure que ça marche, ça a à un moment donné permis à l'Argentin Mascherano d'effacer un adversaire qu'il n'avait pourtant pas pu voir venir). De plus, quand un Red a le ballon à 25m du but adverse, et qu'il n'a pas de solution de passe vers un partenaire, Anfield s'écrie comme un seul homme « Shoot ! ». Ça peut paraître anodin, mais c'est très impressionnant de voir ces réactions unanimes et spontanées, qui paraissent vraiment rodées au niveau du timing. Au final, un public extrêmement positif, et le fait que l'enceinte soit totalement close (pas de toit, mais des murs tout autour) ajoute à l'intensité acoustique. Quand Anfield pousse derrière son équipe, je peux vous dire que je n'aimerais pas être sur la pelouse avec un maillot adverse sur mes épaules. Petite anecdote pour les connaisseurs : il y a un seul joueur de Liverpool pour lequel le public ne crie pas « Shoot ! » quand il se retrouve en position de tir. Il s'agit du capitaine Steven Gerrard, sans doute le spécialiste moderne des frappes lointaines, donc quand il percute plein axe, tout le public retient son souffle, parce qu'on se doute bien que de toute façon, s'il le peut, il va tirer... D'ailleurs, ça a pas loupé, c'est comme ça qu'est venu le 4ème but des Reds. Bref, une atmosphère extraordinaire malgré une pression minime – ayant ouvert le score rapidement, Liverpool a pu se permettre de gérer son avantage –, une expérience géniale pour le fan de foot que je suis.

Pour vous donner une idée de la proximité : l'échauffement des Reds avant le match,
sous l'oeil attentif des nombreux stadiers (en orange - eux aussi...)


Ensuite, une fois le match fini, je sors du stade – évidemment, ok. Et c'est là que ça commence à devenir marrant. En jeune homme bien organisé que je suis – je ne suis pas à proprement parler ce qu'on appelle un maniaque, seulement j'aime que tout brille et que tout soit bien rangé –, j'avais dans ma poche quelques annotations au crayon de papier pour me guider, par la grâce de Mappy, entre Anfield Road, le centre historique de la ville des Beatles, et mon arrêt de car. À mon arrivée à Liverpool, alors que j'étais encore dans le car, j'avais repéré un Mac Donald's pas très loin du 'coach stop' qui restait ouvert la nuit jusqu'à 5h du matin. Mon car pour le retour étant à 6h30 le matin, je m'étais dit qu'à la fin du match, j'irai passer la nuit devant un frites-Coca après m'être plus ou moins longuement baladé dans le centre-ville. Par précaution, j'avais pris l'adresse d'un 'backpackers hostel' bien situé. C'est donc l'esprit léger que je me suis promené après le match dans le centre-ville de Liverpool, ce qui m'a permis de vérifier plusieurs choses (impressions de nuit) : d'abord, cette agglomération n'est pas du tout la ville sinistrée à laquelle je m'attendais, la reconversion post-industrielle a été bien réussie, et la partie historique vaut le détour ; ensuite, ça ne craint pas du tout, c'est plutôt jeune et étudiant, y compris sur les docks où je me suis rapidement baladé ; enfin, la cathédrale de Liverpool ressemble presque autant à une imitation ratée de l'attraction 'Space Mountain' de Disneyland Paris qu'à une pièce montée en béton.

La cathédrale de Liverpool (si !)


Plus de deux heures après le coup de sifflet final, je commence mine de rien à fatiguer un peu, à avoir bien faim, et me dirige ainsi vers Edge Lane Drive et mon Mac Donald's. Parvenu là-bas sur le coup de 00h30, très mauvaise surprise : le restaurant ferme à minuit, ce qui est ouvert jusqu'à 5h c'est le 'Drive-thru' (Mac Drive en français, je crois). Abattu mais pas désespéré, je fais mine d'être convaincu d'être à l'intérieur d'un véhicule à quatre roues, et fais donc la queue pour commander un menu. La serveuse, un peu intriguée de me voir paumé dans la banlieue de Liverpool à une heure pareille, remarque mon écharpe du Liverpool FC, et me demande si je suis allé au match. Je lui réponds que oui, passe ma commande, puis enchaîne en lui demandant si elle n'a pas idée d'un endroit ouvert 24/24h, genre un centre commercial, où je puisse passer la nuit, comme mon car n'est que le lendemain matin. Ce sur quoi la serveuse me propose ce que je n'espérais plus trop (toutes les lumières de la partie « restaurant » étant éteintes, les cuisines et les guichets Mac Drive seuls fonctionnant), à savoir de rentrer pour passer la nuit dans le fast-food.

Les cuisines du Mac Do, depuis la salle sombre


Je suis donc gracieusement invité à l'intérieur, et fais connaissance avec l'équipe de nuit, 4 jeunes (la vingtaine ou un peu plus), à qui je raconte ma journée. Je me fais aussi petit que possible, me doutant que si le manager du fast-food débarque en ma présence, ces 4-là risques d'avoir des ennuis. Mais il se trouve que c'est décidément mon jour de chance : les 4 jeunes sont tous ... des fans du Liverpool FC, et par solidarité avec l'un des leurs (cf mon écharpe et le maillot que je portais sous mon manteau), ils multiplient les attentions à mon égard. Me voyant un peu rafraîchi, car il fait froid dans le nord de l'Angleterre (j'en avais déjà parlé pour York), ils me proposent un chocolat chaud, que j'accepte. Alors que je plonge vers mon porte-monnaie, le responsable de la bande m'arrête aussitôt : pas besoin de payer, 'it's free... for a Liverpool supporter'. Ne revenant pas de la chance qui m'écrase, je me vois offrir ensuite un doughnut et un autre Coca, le tout au chaud, avec pour seule « contrainte » d'expliquer un peu qui je suis, d'où je viens, et ce que j'ai pensé du match. Cela dit, vers 2h30 du matin, je commence à être épuisé, après une longue journée, et l'équipe de nuit note ma fatigue et me propose d'aller me coucher... dans la salle de repos réservée au staff, en sous-sol, en promettant de me réveiller à l'heure que je souhaite pour mon car.

La salle de repos du staff et ses canapés


Finalement, je quitte ce Mac Donald's et ces 4 jeunes si accueillants à 5h30 du matin, le temps d'être sûr de trouver le bon arrêt de bus, sécurité utile qui m'a permis de ne pas l'attendre en vain à la mauvaise adresse que j'avais notée... Après 6 nouvelles heures de car, je suis de retour à Canterbury Hall, et après une courte sieste, je repars pour mon cours de 'New World', à 16h. Ce soir, au dîner, l'américain Nate, à qui je venais de raconter ma nuit, me demanda sur le ton de la plaisanterie incrédule : 'And when you woke up in the staff room... you stil had your wallet ?!?'. Oui. Comme quoi, le football n'est pas qu'un vecteur d'hypocrisie, d'agressivité et de millions d'euros, n'en déplaisent à certains. C'est aussi ça que j'apprécie dans le football anglais, et tout particulièrement dans le club de Liverpool : sans aller jusqu'à parler de « valeurs », c'est un esprit de communauté bien plus sain que ce que l'on pourrait rencontrer ailleurs. Je vois par exemple mal un supporter de l'OM en aider un autre pour cette raison, et a fortiori entre supporters du PSG... Agréable mise en pratique de la devise du Liverpool Football Club : 'You'll Never Walk Alone'... On en redemande !

Le portail d'entrée d'Anfield Road, pour la route...


Sur ce, C'mon Liverpool, et atchao bonsoir !



4 commentaires:

Clothilde a dit…

Super! ben on va dire que je suis contente pour toi, même si je ne partage pas comme qui dirait ta passion... bon retour sur terre. @+

Anonyme a dit…

Quel histoire !
En tout cas, ça fait plaisir que tu ais pu allez voir un match à anfield road ( surtout avant qu'il soit détruit ... ). Il faut le vivre pour le croire !

Unknown a dit…

Woaw c'est énorme, t'as vraiment beaucoup de chance d'être allé voir Liverpool jouer. Je pense que t'as ressenti la même chose que j'ai ressenti quand j'ai vu les Chicago Bulls jouer...En tout cas pour un fan de Liverpool comme toi, être à Anfield c'est génial!

Antoine a dit…

Une bien belle journée de football! T'en as de la chance... C'est beau de voir la solidarité entre fans d'un même club, et le fair play à la Britannique. Un jour, on ira au Vélodrome tous les deux (quand tu pourras plus aller au Parc pour voir des matchs de L1), et tu verras que même si c'est différent (il faut garer sa voiture "75" à 5km du stade, ça sent les herbes de provence et le Pastis, les noms d'oiseau fusent plus... bref, une ambiance plus méditerranéenne!), c'est une expérience aussi.