vendredi 19 octobre 2007

God Save the Queen

Vous êtes devant votre ordinateur et moi dedans, bonjour. Le soleil d'automne est revenu sur la capitale britannique, serré de près par son meilleur garde du corps : une température nettement plus fraîche que d'habitude. Toujours est-il que le grand ciel bleu fait plaisir à voir. On accepte d'autant mieux le froid que, ô joie, nos pommeaux de douche ont fait une réapparition aussi soudaine qu'appréciée dans nos salles de bains de Canterbury Hall.


La vue ensoleillée depuis ma chambre sur Cartwright Gardens

Je commence par là où j'en avais fini : la Coupe du Monde de rugby, et donc la triste élimination de la France par Johnny Wilki... je m'égare, je voulais bien entendu dire « par l'Angleterre ». Par commodité, ou par superstition, ou par un peu des deux, nous sommes retournés avec des camarades français dans le même pub – bourré à craquer – que celui dans lequel nous avions assisté au triomphe des Bleus sur les All Blacks. Hélas, ce ne fut – je ne vous apprends sans doute pas grand chose – pas le même résultat, malgré notre acharnement à nous faire entendre. Si le pub « Roundhouse » serait facilement passé pour français lors du match contre la Nouvelle-Zélande, le public anglais s'est bizarrement montré nettement moins coopératif samedi dernier.



Y aurait-il deux écrans dans ce pub ? On ne peut rien vous cacher...

Malgré tout, on nous a laissé chanter la Marseillaise (un peu chahutée, mais sans plus), taquiné tout au long du match avec un peu de finesse (« Who is this player 'Allez' ? He seems to be very good... »), et un peu charrié sur la fin. Au coup de sifflet final, explosion de joie et pluie de bière (véridique) dans le pub, avant quelques scènes de jubilation « populaire » – modérées – dans les rues de Leicester Square. Tous comptes faits, il vallait sans doute mieux se trouver à Londres qu'à Paris, pour subir certes quelques railleries le lendemain matin au brunch, mais sans l'atmosphère de deuil national et d'aigreur anti-Laporte qui a dû saisir la Ville Lumière à la fin du match. Dans l'immédiat, une préoccupation majeure : apprendre le « God Save the Queen », hymne aussi démocratique que « La Marseillaise » n'est pacifique, en vue de la finale de demain soir contre l'Afrique du Sud. Pour le reste, il suffit de rester beau joueur et de ravaler sa déception pour ne pas trop mal passer ici à Londres : Bravo aux Anglais, donc. Et allez eux contre les Boks. On notera tout de même l'absence de point d'exclamation...


Je me permets de donner certaines proportions de nationalités en ce qui concerne le public du Roundhouse de samedi : entre 12 et 15 Français pour sans doute au moins 150 Anglais. Et malgré tout, on se faisait – bien – entendre, à défaut de se faire bien voir. Amusante conséquence de cette débauche de décibels de ma part pendant le match : je me suis retrouvé totalement aphone dimanche, dans une mesure que je n'avais jusqu'ici jamais vue ailleurs que dans les bandes dessinées d'Achille Talon, où l'aphonie des protagonistes un gag récurrent. Malgré mes efforts les plus violents, je ne parvenais à émettre, au mieux, que le bruit d'un parquet Ikea qui grince. Je pouvais encore chuchoter, mais vous conviendrez que dans un dining hall regroupant 200 étudiants qui ont tout leur week-end à se raconter, c'est un peu limité. Après une économie de ma voix ainsi qu'une consommation intensive de miel au cours des derniers jours, tout va mieux. Ouf.


Retour express sur la météo : il fait certes beau depuis quelques jours, mais il arrive que certains matins, sur les coups de 9 heures du matin, il pleuve. Remarque en soi dépourvue du moindre intérêt (vous voyez, j'en suis un peu conscient quand même), mais qui pourraient en intéresser certains. Je vous fais ici part d'un phénomène assez intéressant, qui me fascine quand je passe par Aldwych pour me rendre vers le Strand et King's College London : je contourne la « House of India » (l'ambassade, en fait), le long de laquelle s'alignent conscienceusment, jour après jour, des centaines d'anonymes voulant faire leur demande de visa. On en viendrait presque à noter les records de longueur de cette file d'attente quotidienne, qui atteint parfois près du tiers de la longueur totale d'Aldwych. Et pour ceux-là, la question de savoir s'il va pleuvoir ou non sur les coups de 9 heures du matin n'est pas totalement dépourvue d'intérêt...



Le début de cette file d'attente, que vous devinez bifurquer dans la ruelle sur la gauche

Scène kafakïenne dans un décor kafkaïen, la tête de la queue (je l'avoue : je fais fort) se situant au niveau d'un bâtiment en travaux présentant une façade un peu chelou et assez flippante, comme emmêlée dans un piège d'acier. Vous admirerez le décalage de niveau de langage...


Ledit bâtiment kafkaïanesque

Fin de la parenthèse pseudo-littéraire, et véritablement légère sur ses pauvres gens qui se retrouvent à attendre 2 heures dans la rue pour d'obscures demandes de visa indien. J'espère pour eux que ce ne sont pas les mêmes matin après matin...


Une fois dépassée la file d'attente d'Aldwych, j'arrive rapidement dans le Strand Campus de King's College London, pour suivre mes cours inégalement passionnants.


La 'Strand Entrance' de KCL

L'architecte pour le moins original du bâtiment a eu la lumineuse idée de le construire tout en hauteur, et vous pouvez donc avoir à monter jusqu'au 7ème étage pour assister à un cours de The EU Integration, par exemple. Soit dit en passant, l'administration de King's College elle-même vous déconseille de prendre ses propres ascenseurs.


"The central lifts are close to the end of their operational life
and are currently prone to breakdowns"...

Voilà qui insipire confiance. Mais comme il y a une justice sur terre, cela vaut la peine de monter jusqu'au sommet du bâtiment, à l'étage des War Studies : la vue depuis les fenêtres de ce doux département est assez remarquable, même si elle n'égale pas celle du Waterfront, le pub-cafèt' de KCL, dont je vous ferai profiter une autre fois sans doute.


'London Eye' et 'House of Parliament' depuis le 7ème étage

Sur ce, fin de ce message qui a mis un peu de temps à venir. Mais c'est comme pour « Les Guignols de l'Info » : je pense ça vaut parfois la peine d'attendre la fin de la semaine pour tout regarder d'un coup dans « La Semaine des Guignols », c'est plus consistant et plus pratique que si vous le regardez au compte-goutte. Maintenant, vous pouvez éteindre l'ordinateur et reprendre une activité normale. Allez atchao bon week-end !

lundi 8 octobre 2007

Paint It Blue

Début de ma troisième semaine de cours à King's College London, avec moult non-aventures à raconter, ayant pris un peu de retard dans la mise à jour de ce blog.

Première non-péripétie : les bains glacés ont finalement eu raison de ma bonne volonté, puisque j'ai pris un tantinet froid la semaine dernière. Je suis encore en vie, contrairement aux apparences, mais ça nous remonterait presque contre l'administration de la University of London, d'autant plus que nous n'avons toujours pas récupéré nos fameux pommeaux de douche... Une étudiante du Hall a astucieusement suggéré que nous exigions au minimum une compensation, voire un remboursement, sur la semaine passée sans eau chaude, ce qui, comme chacun peut s'en douter, fut médiocrement cool. Affaire à suivre.


Le pommeau de la discorde, ou plutôt : son absence.


Deuxième non-événement : les cours que j'étudie dans cette brillante université londonienne ne sont pas des plus passionnants. Manière délicate de dire que pour le moment, sur mes 4 enseignements du semestre, 1 seul est convaincant, 1 est sérieux et plutôt intéressant, et les deux derniers présentent des ressemblances certaines avec un Dictionnaire des Idées Reçues spécialisé sur l'Europe, seulement pas fait exprès. La référence à une réécriture spécialisée de Flaubert est sans doute une very private joke, à moins que l'éditeur Bertrand Lacoste ne se soit amusé à revoir à la baisse les chiffres de vente. Tu n'as rien compris à la phrase qui précède ? C'est normal, mais ne t'en fais pas, très peu ont dû saisir la subtilité de la chose. Si tu te sens une âme de Sherlock Holmes, cherche sur internet à quoi je peux bien faire référence. Mais après tout, c'est moi le plus proche de Baker Street, donc tu peux si tu le souhaites passer au paragraphe suivant. Vive Mad Magazine. Nouvelle private joke, sincèrement désolé pour le grand public.


Pour montrer une image : le mur "photos" de ma chambre

Troisième non-aventure de la semaine : un samedi après-midi passé à jouer au football dans Regent's Park avec des ... Kazakhs. Voilà, ce n'est pas passionnant en soi, mais c'est suffisamment rare pour être remarqué, non ? Mais il y a sans doute une explication logique à tout ça : l'Angleterre jouait à 14h, heure locale, contre l'Australie en quart de finale de la Coupe du Monde de Rugby...

Ce qui nous mène donc tout droit au 4ème non-... eh non ! Au premier et dernier événement de la semaine écoulée, soit le match France/Nouvelle-Zélande de rugby, qui est, comme les plus sagaces d'entre vous l'ont évidemment compris (exemple de « captatio bene volantiae » pour pas cher :P), le pourquoi du comment du titre de ce message (habile référence qui ne devrait cette fois-ci pas être une private joke...). « Événement », oui, et premier grand moment de ce séjour à Londres : le visionnage (si c'est pas joli comme mot) du quart de finale dans un pub pas loin de Leicester Square, entouré d'une bande de camarades, sciences-pistes ou pas, mais tous français. Ça commence plutôt mal, avec un barman pas fichu de faire marcher le son. On se contente donc de lire la Marseillaise sur les lèvres de joueurs au lieu de la chanter (on se rattrapera plus tard dans la soirée...), et d'applaudir à tout rompre quand les joueurs du XV de France défie le Haka néo-zélandais, les yeux dans les yeux, plantés sur la ligne médiane, à un mètre des All Blacks, en gris pour l'occasion.



Comment impressioner les All-Blacks ?
"Y'a qu'à" les "mater" du regard... ^^
Attention, boutade !

S'il y avait encore des Anglais sceptiques dans le pub, cet épisode a dû les retourner, puisque tout au long du match c'est la quasi-totalité de l'assistance qui encourage – à distance, certes, mais pas si loin que ça car le match était à Cardiff – les Français. Une autre explication possible de ce soutien anglais aux Bleus est peut-être que nos voisins d'outre-manche jugeaient préférables de ne pas affronter la Nouvelle-Zélande en demi-finale... Bref, la première période démarre, le son se met même en route, mais le match est difficile, et on sent la désillusion plomber l'ambiance quand les Blacks mènent 13-0. Les premiers points français, acquis dans les arrêts de jeu de la première mi-temps, soulèvent des hourras, quand même.

La deuxième mi-temps déchaîne l'enthousiasme de la petite foule massée dans le pub, et la suite des événements révèle la forte présence française dans le pub, à moins que les sujets de Sa Majesté n'aient suivi des cours de rattrapage de chant sur « La Marseillaise », reprise en coeur à trois reprises, après chacun des deux essais français puis au coup de sifflet final. Au final, hystérie générale où les mines déconfites des rares supporters néo-zélandais côtoient les sourires poliment amusés des Anglais francophiles et les hurlements frénétiques des supporters du XV de France. Petite note patriotique british : après avoir encouragé les Bleus pendant tous le match, et poliment applaudi l'hymne français au coup de sifflet final, quelques Anglais du pub entonnent le non moins fameux « God Save The Queen », histoire de rappeler, si besoin est, que la demi-finale opposera donc la France à l'Angleterre... On attend la suite avec impatience ! (N'y aurait-il pas dans cette exclamation finale une pointe d'autodérision quant à l'enthousiasme suscité chez ses lecteurs par ce blog ? Allez savoir... ;)

lundi 1 octobre 2007

Settling down

Ici Londres, pour changer. Il pleut, pour changer. Et je suis sur l'ordi (« pour changer », rajouteront les mauvais esprit) pour vous faire part de mes derniers jours à King's College et Canterbury Hall.


Pour faire simple, on commence à rentrer dans une forme de routine ici. La première semaine de cours fut littéralement épique, avec un strict minimum de 10 minutes passées au début de chaque séance pour trouver la salle qui nous était attribuée. Le summum a été atteint dans mon cours « Democracy and Democratisation » du mercredi matin. Comme dirait Desproges, « je ne résiste pas au plaisir de vous en faire profiter »... Nous avions donc une heure de cours ce matin-là de 10 à 11h dans la désormais fameuse salle K1.47, selon l'emploi du temps fourni par le French Department. Petite tentative de décryptage : « K » renvoie à « King's », jusqu'ici c'est plutôt normal. 1 ? ça doit sûrement être au premier étage. Petit problème : il n'existe pas de salle 47 au 1er étage du bâtiment principal. La K1.46, oui, la K1.48, OK, mais la K1.47 : n'existe pas. Nothing. Nichts. Nada. Surtout « nada », en fait, parce que la K1.47 est un bureau d'un prof d'espagnol. Bref, amusant remake du « 12, Grimmauld Place » de Harry Potter. Avis de recherche : on a perdu une salle. Après consultation de la réception, on vous envoie vérifier si ce n'est pas finalement en K-1.47. Mais non, la salle K-1.47 (du 1er sous-sol) s'appelle « Physics Research Office ». Autrement dire que c'est pas gagné. C'est ensuite que vient l'illumination, que nous souffle un appariteur de KCL : la salle se trouve dans un autre bâtiment, le Chesham building. Ouf, soulagement. Seulement voilà, personne ne sait où se trouve ledit Chesham building, ni comment y accéder. Après 5 minutes d'errance à travers les couloirs, toujours rien. Ça devient plus grave : ce n'est plus une salle qu'on a perdu, c'est un bâtiment tout entier. Heureusement, nous trouvons un nouvel appariteur qui se propose de nous guider vers ce bâtiment, et après mains escaliers, nous voilà arrivés dans une salle quelque part entre le rez-de-chaussée et la lithosphère de cette si belle planète. End of the story.


Malgré les quelques cafouillages initiaux, mon emploi du temps est désormais réglé : Shadows of Enlightenment de 10 à 11h le lundi ; The European Union Integration de 9 à 10h et de 16 à 17h le mardi ('lecture' + 'tutorial', soit cours magistral + TD/conf) ; Shadows of Enlightenment encore de 9 à 10 le mercredi ; Democracy and Democratisation de 10 à 11h et de 12 à 13h ; et enfin Intelligence in War de 10h à midi le vendredi. J'ai cours tous les jours de la semaine, ce qui est en soi un petit exploit (dont je me serais certes passé) puisque je n'ai que... 8h de cours par semaine (j'ai pourtant pris le maximum de 60 crédits ECTS que nous autorisait King's). à part ça ? Des centaines de pages à lire sur des textes tordus chaque semaine, mais comme les Anglais semblent avoir beaucoup de mal à assimiler leurs lectures on ne passe pas pour les derniers des imbéciles si 1 ou 2 points nous ont échappé.


Maintenant, le Hall : ça devient évidemment plus amusant quand on commence à connaître du monde, et de ce point de vue-là ça progresse. Pas mal d'Anglais « Freshers », donc, mais aussi des « graduate » avec 3 ans d'études déjà derrière eux, et un certain nombre d'étudiants internationaux, vers lesquels nous sommes spontanément plus poussés. Pêle-mêle : des Espagnols, un Allemand, une Italienne, un Suédois, un Néerlandais, un Belge, une Roumaine, deux Singapouriens, une Californienne, une Australienne, et j'en passe. Il n'empêche que la diversité est fort sympathique, et que les indigènes (pauvres Anglais, s'ils savaient que je les appelle comme ça, eux les anciens détenteurs du plus grand empire colonial... :P) l'acceptent plutôt bien.


En tout cas, tout ce petit monde-là est mis sur un pied d'égalité depuis quelques jours : cela fait 1 semaine que l'on nous a retiré nos pommeaux de douche (pour des opérations de maintenance, paraît-il, perfect timing as usual) et que nous ne pouvons plus prendre que des bains. Vous allez me dire : c'est un peu agaçant, mais ça va. Oui, ça va. Enfin, ça allait. Parce que depuis vendredi et le passage de techniciens dans des canalisations avoisinantes, cela fait 4 jours que nous n'avons plus d'eau chaude. La bonne blague... Donc maintenant, on prend des bains 'freezing cold'. C'est super drôle une fois, et puis étrangement ça finit par l'être de moins en moins. On s'en sort, en général, mais le nombre d'étudiants malades dans le Hall est exponentiel (vieille réminiscence de cours de maths de Terminale ^^), et n'est pas dû qu'à l'épidémie de « Freshers' flu » (évidemment, cette maladie n'est pas très académique, je vous laisserai deviner en quel sens l'enthousiasme des Freshers peut se transformer en vecteur d'épidémie...) Je crois que j'ai trouvé la parade : je vais aller m'inscrire cet après-midi à la salle de sport de la University of London Union, ce que je comptais de toute façon faire un jour ou l'autre.


Sinon, la grosse déception, c'est que je ne vais pas m'inscrire au foot à King's, pour pas mal de raison. D'abord parce que j'ai raté la « Freshers' Fair » et par là-même l'occasion de m'inscrire officiellement, ensuite parce que j'ai déjà manqué les 2 premiers entraînement, et enfin parce que le terrain du fameux entraînement se trouve en banlieue éloignée, et qu'il faut prendre l'équivalent du RER local à partir de Waterloo. Or, j'ai décidé que je ne prenais pas d'abonnement pour les transports, me contentant de pay-as-you-go et de mes pattes, et qu'à 3£ le trajet ça revenait un chouia cher. Et puis je suis médiocrement chaud pour prendre une carte à 120£ par mois alors que je ne l'aurais utilisée que pour aller à l'entraînement une à deux fois par semaine. Bref, pour la baballe, on se contentera pour l'instant des inconnus qui prolifèrent autour des multiples terrains de foot de Regent's Park, en s'incrustant sans trop de difficultés.


Sur ce, je retourne à mes cours que je dois déjà commencer un minimum à préparer. La pluie tombe toujours ; ici Londres, à vous Paris (ou ailleurs, n'est-ce pas camarades de Pipo ? ;)